jeudi 13 août 2009

Retour au bercail


Yerevan, Armenie, dernier soir.
Un mois, c'est long. suffisament pour s'ennuyer, parfois. Mais tout comme le fait de se perdre, je pense que cet ennui est la seule facon de prendre le rythme d'un pays. Ils devaient bien s'ennuyer, eux aussi, les moines armeniens, dans leurs etroites cellules. Et pourtant, ils y trouvaient la grace.
Un mois, c'est aussi tres court. Je commence a peine a comprendre certaines tournures d'esprit, je ne reste plus a me gratter la tete quand un paysan m'adresse la parole, je sais quoi choisir dans un restaurant. Service minimum, donc. C'est vrai qu'il est aussi possible de faire ce pays en une semaine. Tel n'etait pas mon objectif.
Ce soir, je suis retourne voir mon Libanais francophone pour lui donner mes impressions. Il m'avait dit que les paradoxes de l'Armenie me stimuleraient. C'est bien la conclusion que je peux tirer de ce voyage. Terre de contact, on y mange oriental, comme on ecoute de la musique aux sonorites orientales, mais on y parle aussi russe, on consomme le gaz russe, tout en lorgnant du cote de la culture americaine. J'oubliais Charles Aznavour pour completer un tableau deja complexe.
J'ai pris grand plaisir a partager ces experiences presque au jour le jour avec vous. Il est vrai que ce voyage sans internet aurait ete tout autre. Je tiens donc a vous remercier de l'avoir suivi et commente avec autant d'interet.
Antra, j'ai effectivement eu acces a internet presque partout. C'est le "privilege" de voyager dans un pays dans lequel tout le monde n'a pas un ordinateur chez soi. Les cyber sont pour cette raison monnaie courante.
Je pense deja a l'annee prochaine, et je me dis que ma destination sera peut-etre moins accessible aux avantages de la modernite... quoique...
Allez, je vous propose un petit jeu pour finir. Ce sera en Asie, pour de vrai cette fois-ci... Un pays dont le nom se termine par -stan... Il y en a beaucoup, je sais... Mais vous pouvez deja proceder par elimination...

mercredi 12 août 2009

Vie pratique # 4 : dormir



Me voici arrive au terme de ce voyage, et la fatigue commencant a se faire serieusement ressentir, il est temps pour moi de vous expliquer comment on se loge pour la nuit en Armenie. Tout d'abord, un bilan comptable : sur un mois, j'ai passe 15 nuits sous la tente et 15 nuits a l'hotel, en auberge de jeunesse, en chambre d'hote, ou chez les gens.
Commencons par l'hotel. J'ai tout experimente, de la chambre de luxe avec mini-bar pour 54 euros, a l'hotel beaucoup moins classe, sans eau chaude, papier peint aux motifs floraux defraichis, mais le tout pour seulement 6 euros. Je prefere ne pas vous dire dans lequel je me suis le mieux repose, vous allez encore dire que je suis complique comme garcon...
L'auberge de jeunesse ou je loge actuellement a l'avantage d'etre tres bien situee dans le centre de la capitale, et pour pas cher. Le desavantage, ce sont les chambres collectives, avec le mec qui ronfle tellement fort qu'il vous contraint a passer une nuit presque blanche. Mais on y rencontre d'autres routards, on echange des informations.
Les chambres d'hotes sont un moyen tres pratique de voyager en allant chez l'habitant. J'ai pu y deguster de vrais plats armeniens. C'est aussi l'endroit ou j'ai croise le plus de touristes francais... je crois que nous avions tous le meme guide.
Chez les gens, on y apprend beaucoup, mais il faut s'adapter au mode de vie. Ainsi, la tele qui beugle jusqu'a trois heures du matin pour on ne sait qui, avant qu'une ame charitable pense a l'eteindre. Cela dit, je ne vais pas cracher dans la soupe, l'hospitalite a ete un point fort de ce voyage.
Enfin, le meilleur pour la fin, a savoir ma tente. Quelque soit l'endroit ou l'on plante, on s'y sent tout de suite chez soi, et on se reveille dans des endroits qui ne donnent pas envie de repartir tout de suite. Les nuits sans orage, on y dort vraiment bien, pour les autres, on s'habitue, c'est tout.
Alors bien sur, il y a les chiens qui viennent grogner a deux heures du matin, les vaches qui paissent comme si je n'etais pas la, et qui finissent par pisser sur ma toile...
Mais bon, je crois en avoir fait bon usage, elle n'a pas ete un poids mort...

lundi 10 août 2009

Into the wild...


Soucieux de preserver mon independance, j'ai snobe le bel hotel en forme de bateau qui m'attendait a Vank, petit village du Karabagh. J'ai préféré planter ma tente aupres d'une sympathique riviere que j'ai eu le plaisir de franchir a gue. J'ai trouve l'endroit bucolique, exactement ce qu'il me fallait pour ma derniere nuit sous les etoiles.
Seulement, les etoiles se sont rapidement cachees, et j'ai eu en echange le privilege d'assister a un "Sons et Lumieres" de 12 heures. En sortant de ma tente le matin, a la faveur d'une accalmie, je suis alle voir par acquis de conscience l'etat de ma petite riviere.
Le debit est infernal, l'eau boueuse, elle est largement sortie de son lit, et devient pour toutes ces raisons infranchissable. Moi qui comptai prendre le bus du retour, je me dis que cela risque d'etre difficile, d'autant que mon visa expire, que je n'ai plus rien a manger dans mon sac.
Je plie donc mes bagages, regarde une carte, puis deux, avant d'observer qu'un village situe au sud-est de Vank est relie par une route qui coupe forcement la riviere avec un pont. Je pars donc sur des chemins boueux et glissants, je traverse des ruisseaux devenus rivieres, je fais fuir un ours du Caucase et je tue un serpent de trois metres de long...
Extenue, le ventre vide, je vois apres une heure de marche le pont tant espere depuis le sommet d'une colline. Je suis sauve...
Je rejoins finalement la route de Vank apres un detour de 6 km. Et je me trouve contraint a attendre mon bus trois bonnes heures, a la terrasse d'un cafe... Toute cette aventure pour vous prouver une bonne fois pour toutes qu'il pleut, parfois, en Armenie...

dimanche 9 août 2009

Amer Karabagh

Le Karabagh est une petite Republique independante qui n'est actuellement reconnue que par l'Armenie. Situee officiellement en Azerbaidjan, elle veut faire reconnaitre son unite territoriale avec le reste de la nation armenienne. On y parle la meme langue, on y utilise la meme monnaie, mais les cartes sont tetues. En l'occurence, tout le probleme vient du decoupage des frontieres par les sovietiques entre les deux Republiques. Lors de l'eclatement de l'URSS, ces voisins sont entres dans une guerre qui n'est toujours pas terminee. Si le cesse le feu est respecte depuis 1994, aucun accord n'a ete trouve.
Pour le touriste distrait que je suis, si je regarde une carte de l'Armenie proposee par le syndicat d'initiative, je me dis que le Karabagh est une region d'Armenie. En realite, elle est coupee du reste du pays par un "no man's land" appele Couloir de Latchin. Toujours est-il que je change bien de pays. On me demande mon passeport. Arrive dans la capitale, Stepanaterk, je file au ministere des affaires etrangeres me procurer un visa pour 5 jours. Le fonctionnaire qui s'occupe de moi en profite pour me faire cadeau d'un DVD sobrement intitule " Crimes without punishement : Armenophobia in figures and facts".
Je ne peux pas m'empecher de ressentir un malaise. Pas seulement parce qu'on effeuille mon passeport a la moindre occasion, mais parce qu'en faisant le choix de visiter le Karabagh, j'ai l'impression de soutenir une cause qui me depasse largement, et donc d'etre manipule. Je croyais naivement que l'on pouvait garder sa neutralite en voyageant. Il n'en est rien... Je viens d'ailleurs de m'interdire l'entree en Azerbaidjan avec ce visa colle dans mon passeport. Il faut accepter de se placer, chercher le point de vue, pour commencer a comprendre.
Dehors, beaucoup d'uniformes rappelent effectivement que la guerre n'est pas terminee malgre le calme apparent. Dans les villages, les vieux sortent le dimanche avec leurs treillis pour aller a la messe.
Ainsi va la vie au Karabagh...

mercredi 5 août 2009

Vie pratique # 3 : Manger




Voici plus de trois semaines que je suis sur les routes d'Armenie. Il est grand temps de vous dire ce que je mange, histoire d'etre un peu plus terre a terre...
Tout d'abord, si l'Armenie est un pays relativement pauvre, le jardin est bien garni. Richesse des terres et climat ideal, le Caucase voit pousser tomates, poivrons, melons, abricots, prunes. Je viens de decouvrir a Goris les mures qui poussent sur de grands arbres, et non sur des ronces comme chez nous. Elles sont noires ou blanches, toujours sucrees.
La base de l'alimentation estivale, la voici donc. A chaque fois que j'ai ete invite, j'ai eu droit a ces delices simples, accompagnes d'un pain plat, sans levain, appele "lavash", mais aussi d'un fromage de bique tres sale. On trouve le meme dans les Balkans. On roule le tout dans le pain, facon Kebab, et le tour est joue... pour vraiment pas cher.
Les grands jours, on rajoute de la viande, des brochettes. Les Armeniens en sont friands. On m'a dit de me mefier du mouton fraichement saigne dans les campagnes, j'essaye donc de faire attention. Pas de mauvaise surprise jusque la...
Je n'oublie pas non plus mon fidele rechaud a petrole - merci Julien pour le pret - qui me sers lorsque je vais camper loin des grandes villes. Efficace et rapide - enfin, quand meme 40 minutes pour faire bouillir de l'eau a 3000 metres - il permet de preparer le the, les pates, le riz. Je me suis meme decide a acheter de la sauce en tube... parce que sans sel ni rien pour accompagner, c'est vraiment fade.
Pour terminer, je suis oblige de vous parler de la biere. Mieux que le CAC40, plus fort que le Dow Jones, c'est le veritable indicateur du niveau de vie d'un pays. Pour cinquante centimes d'euro, vous avez votre veritable demi-litre... pas mauvaise en plus. Cela donne une idee pour le reste.

L'URSS vaincue par les moines de Tatev...


Tatev est a seulement 25 km de Goris, mais il faut deux heures au bus pour parcourir la mauvaise piste qui serpente entre les montagnes. Je fais le voyage en compagnie d'un jeune couple de Tcheques, assis sur une bouteille de gaz. Encore une fois, les desagrements du parcours sont vite oublies face a la beaute du paysage.
Depuis le village de Tatev, nous nous dirigeons vers le monastere pour savoir si nous pouvons y passer la nuit. Mes deux acolytes qui n'ont pas de tente sont invites a dormir dans le batiment, tandis que je decide de planter a l'exterieur, pour avoir plus de liberte. Mais nous sommes tous invites a partager le repas de pelerins venus passer quelques jours ici.
Rassurez-vous, je n'ai pas a reciter une quelconque priere, ni meme a faire le signe de croix, et nous discutons pendant le repas avec une Armenienne qui parle un tres bon francais. Rapidement, nos propos tournent autour de la religion. Notre hotesse ne comprend pas les mecreants que nous sommes devenus, plus a l'ouest. Autant, elle concoit que la Tchecoslovaquie sovietique se soit eloignee de Dieu sous la contrainte des communistes, mais pour la France... Je fais un bien mauvais ambassadeur.
Elle nous explique qu'au temps de l'URSS, l'Eglise armenienne etait tres controlee, voire completement interdite. Mais sa vitalite s'est exprimee de facon sous-terraine, jusqu'a sa resurgence actuelle. A l'ecouter, c'est l'Armenie, ses croyances et ses moines qui sont a l'origine de l'effondrement de l'URSS.
Bien sur, cette vision de l'histoire par le petit bout de la lorgnette a de quoi faire sourire. Mais en y reflechissant, cette femme n'a pas completement tort. L'ideal d'une societe uniforme voulu par les communistes ne pouvait que se heurter aux particularismes culturels, a la diversite des destins historiques.
L'Armenie est un territoire de montagnes, propice aux resistances les plus legitimes comme a l'esprit de clocher le plus borne. Il n'est qu'a voir les relations actuelles entre la Russie et la turbulente Georgie pour comprendre qu'ici, on ne se laisse pas faire. Reste un bon sens populaire, un gout prononce pour l'hospitalite...
Que demander de plus ?

dimanche 2 août 2009

Le cimetiere de Goris



On m'avait dit "Il faut aller a Goris, cela vaut le deplacement". En arrivant hier, sous les nuages, je trouvais la ville sans grand interet, hormis peut-etre son charme provincial.
Et puis ce matin, je suis alle flaner du cote du cimetiere, dans le vieux Goris. On peut y voir une cite troglodyte construite dans la roche volcanique. Ces formations geologiques travaillees par le temps sont comme autant de doigts de fees qui veillent sur le sommeil des morts.
En continuant ma balade, je rencontre un groupe d'armeniens - beaucoup d'enfants - qui dejeune aupres d'une petite chapelle. Au detour du chemin, je decouvre une grande flaque de sang et quelques plumes sur un rocher. Un coq vient d'etre sacrifie. Les pattes sont accrochees a un arbre, avec une quantite de mouchoirs, de sacs plastiques multicolores. Les enfants jouent autour.
Le christianisme armenien est une religion du rite qui a besoin de sang, une croyance qui se realise a travers des gestes que j'imagine ancestraux. En voyant cette debauche de couleurs et d'odeurs, je pense en souriant a la proprete desincarnee de notre catholicisme moribond.
Un peu plus loin, je suis attire par une musique belle et triste. Par l'ouverture d'une fenetre troglodyte, j'observe un enterrement. Il n'y a que des hommes reunis pour l'occasion. Un accordeon, une flute traditionnelle et le souffle vibrant du chanteur suffisent a vous dechirer l'ame. La ceremonie s'acheve dans un silence encore plus prenant.
En descendant vers la ville, je remarque derriere une pierre tombale une bouteille de vodka entamee et trois petits verres. Ici, la mort est une partie de la vie. On y laisse les chiens creves sur le bord des routes un peu plus longtemps que par chez nous.
Je ne sais pas vous dire pourquoi, mais ces quelques images glanees sur les chemins me mettent en joie pour la journee...